L’aide Humanitaire Au Burkina Faso Comme Fait Social Total : Perspectives Maussiennes Et Enjeux Contemporains

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Vol. 13 No. 09 (2025)
Social Sciences and Humanities
September 12, 2025

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Depuis près d’une décennie, le Burkina Faso traverse une crise multidimensionnelle marquée par les violences armées, l’effritement du contrat social et un déplacement massif de populations (plus de 2,3 millions en 2024). Dans ce contexte, l’aide humanitaire est devenue vitale, mais elle dépasse le simple cadre technique : elle s’inscrit dans des dynamiques sociales, symboliques et politiques.

L’article mobilise la théorie du don et du contre-don de Marcel Mauss, qui considère le don comme un « fait social total » fondé sur trois obligations – donner, recevoir, rendre. Appliquée à l’humanitaire, cette perspective montre que recevoir une aide alimentaire ou sanitaire ne se limite pas à une réponse aux besoins matériels : elle crée des liens de dépendance, de reconnaissance et parfois de domination. Pierre Bourdieu souligne que derrière la gratuité apparente du don se cache une « violence symbolique », car les bénéficiaires ne peuvent jamais rendre à hauteur de ce qu’ils reçoivent.

Au Burkina Faso, l’aide engendre ainsi une dette morale durable. Les bénéficiaires expriment leur gratitude à travers prières, bénédictions ou loyautés politiques, tandis que les ONG et autorités locales en tirent une légitimité accrue. La redistribution par les chefs coutumiers ou religieux renforce également leurs positions de pouvoir. Toutefois, cette logique nourrit des ambivalences : l’aide soulage mais elle divise, suscite jalousies et critiques, notamment en raison de son insuffisance ou de son inégale répartition.

L’article met aussi en lumière la dimension de genre : les femmes, principales gestionnaires de l’aide au sein des ménages et des réseaux de solidarité (tontines, partage de vivres), sont au cœur du don humanitaire. Elles prolongent les logiques relationnelles, mais portent également le fardeau des insuffisances et des choix douloureux liés à la survie.

En conclusion, l’auteur montre que l’aide humanitaire au Burkina Faso est indissociablement un mécanisme de secours et un champ de relations sociales. Elle sauve des vies, mais elle installe une dette symbolique et une dépendance structurelle. Repenser l’humanitaire suppose alors de dépasser la logique du don gracieux pour l’affirmer comme un droit, afin de réduire les asymétries et renforcer la dignité et la résilience des bénéficiaires